Le voile de la raison se déchire

Elle s'éveille

couchée sur un lit d’herbes hautes

drapée de marguerites géantes

aux cœurs gros et blancs piqués de pétales d’argent

À l'entour

les feuilles d'ors d'arbrisseaux en fleurs

fondent au soleil

brûlant les angles du ciel

tendu en l'infini d'un voile de douceur

Les ramures se dénudent

Aux fils brillant d'acier trempé

chevelures hirsutes couvertes d'ailes dorées d'écailles

de ces colombes énamourées d'un rameau d'olivier

 

La terre relève le col de son  manteau neigeux

 

Transportée elle s'élève d'une onde vaporeuse

et s’assied au banc d’albâtre

bordant la rivière de laitances bouillonnantes

d’où émergent en cabrioles folles

des poissons-chats multicolores gorgés de pâtes de fruits

 

Nue sous une dentelle de soie crème

souriant aux reflets oubliés de la lune

les yeux mouillés du bonheur inspiré des senteurs de jasmin

déposé à ses pieds de faïence

par trois hermines espiègles riant aux éclats

 

Elle fait face à la raison

voilée de tulle blanc l'aube onduleuse

agenouillée au milieu de nénuphars à fleurs roses

flottant sur une mare profonde

emplie du lait de mamelles gonflées de sang

d'une génisse en porcelaine aux cornes de bronze

 

Autan paraît

debout sur une souche d’arbre brûlé

couvert d’une longue camisole noire

une torche à la main

La puissance de sa voix rocailleuse

effraye les martes blanches

fuyant se cacher

derrière l’énorme tronc de verre cathédrale

d’un chêne tricentenaire

 

Le voile de la raison se déchire

découvrant son aube maculée

elle s’enfonce inexorablement dans une mare pestilentielle

Les feuilles des arbres dépouillés pourrissent

sous une pluie acide fine et continuelle

d’un ciel d’encre dégoulinant

Les branches nues forment des tentacules immenses

cherchant à saisir des corbeaux fous

aux ailes de plomb

qui ne savent plus où se poser

Souillée la neige fondant transforme la terre

en un cloaque nauséabond

 

Elle

se relève

courbée

peinant à chaque pas

contre la violence d’un vent debout

soufflant et hurlant

ce qu’elle comprend être d’ignobles injures

Marchant sur des monceaux de crapauds

agglutinés à ses pieds

elle longe un torrent de boue

charriant des cadavres de poissons putréfiés

 

Autan

dans sa fureur

la torche à la main

tente d’embraser tout ce qui est à sa portée

sans que l'on sache s'il y parvient 

 

 

© Alain MORINAIS

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